L’accouchement à domicile

accouchement a domicile

La naissance, comme la mort, est le moment le plus important de la vie d’un être humain. On y fait son entrée dans le monde, de même qu’on le laisse derrière soi lorsqu’on meurt. De plus en plus de recherches scientifiques converge pour donner au nourrisson une conscience très large et aiguisée de son environnement.

Même si elles ne sont pas nécessairement à la pointe de la recherche scientifique, néanmoins les femmes, par nature proche de leur instinct, connaissent cette réalité-là chez leur enfant. La maternité est d’ailleurs nimbée d’une sorte de grâce qu’amènent peut-être avec eux les bébés que l’on porte. Aussi, on comprendra que des femmes puissent ressentir le besoin de se réapproprier le pouvoir qui leur est conféré par la nature, ce droit fondamental, d’être maîtresse de leur accouchement, afin de donner à leur bébé la latitude, la tranquillité, l’espace, d’arriver au monde avec le respect physique, émotionnel, mais aussi spirituel, qu’on leur doit.

Et être maîtresse de son accouchement ne veut pas dire, nécessairement, accoucher seule ni refuser une aide extérieure et médicale. Il s’agit surtout de ne savoir à quoi l’attention doit être portée en priorité dans ce moment de l’accouchement. Les accouchements « différents » sont avant tout porteurs de cette question, et l’AAD en est sans doute l’exemple le plus marquant. Elles ont besoin d’une assistance, d’une guidance dans ce qu’elles vont pourtant conduire elles mêmes.

Pourquoi l’AAD ?

Se réapproprier son accouchement: j’accouche, je ne me fais pas accoucher

Depuis quelques dizaines d’années dans les pays occidentaux, on a pu constater une tendance marquée à l’hospitalisation systématique de la femme, et par voie de conséquence, de l’enfant nouveau-né, dans les maternités publiques et privées. Pour autant, ces femmes sont-elles malades? L’accouchement est-il une pathologie? Bien évidemment non, mais cette pratique est devenue une norme tellement écrasante que plus personne ne songe que les accouchements peuvent se pratiquer autrement.
Conditionnées bien souvent par la « pensée unique » en terme d’accouchement, cette sorte de ligne droite tracée sur des rails, passage obligé en maternité, bien des femmes se retrouvent dépossédées de la simple idée qu’il s’agit de leur accouchement, de la mise au monde de leur bébé, d’un événement capital et sacré de la dimension psychique d’un séisme, qui se joue en elles. Veulent-elles être les spectatrices passives de ce théâtre où vont s’agiter médecins, anesthésistes et autres infirmières, ou bien veulent-elles au contraire ne pas manquer ce rendez vous unique où elle jouera là le plus vrai et le plus grand rôle de leur existence de femme, qu’elles partagent avec leur enfant à naître?

Lorsque le choix se fait vers la structure médicalisée, cela peut entraîner plusieurs ruptures

  • une rupture dans le rythme habituel de la femme et de sa famille, qui n’ont plus leurs repères quotidiens
  • une rupture dans l’image de soi chez la femme enceinte, dépossédée de ses choix profonds pour être considérée comme une patiente, malade potentielle, infantilisée par l’entourage médical bien souvent.

Ainsi, choisir l’AAD, c’est faire le choix de rester souveraine de son propre accouchement, dans la conscience de tout ce qui se passe dans ce moment d’exception. C’est redonner une place de choix à la conscience, en permettant que soient réunies les conditions pour que cet événement miraculeux se vive à la hauteur de ce qu’il est vraiment.

Pour qui l’AAD?

Les études épidémiologiques ont mis en évidence des risques associés au refus strict de toute médicalisation de l’accouchement à domicile, refus qui multiplie les risques de décès en couches par 100 dans les groupes religieux qui observent ces pratiques. En revanche, dans le cas de grossesses normales où l’accouchement à domicile est préparé et assisté par un personnel qualifié, on n’observe pas d’augmentation des risques encourus tant par la mère que par l’enfant.

Pour des raisons médico-légales, la plupart des professionnels de santé sollicités pour un accouchement à domicile ne le pratiquent que dans le cadre d’une grossesse normale ou « physiologique » : pas de naissance gémellaire, pas de présentation en siège, pas de placenta praevia, pas de contre-indications de type hypertension. Une inscription dans une maternité proche est souvent effectuée au cas où un transfert serait nécessaire.

Les études  épidémiologiques ont montré que les résultats périnataux (surtout pour ce qui concerne les taux de mortalité) étaient comparables quel que soit le lieu choisi pour l’accouchement sous réserve de bonnes conditions sanitaires dans les cas de grossesse à faible risque suivie par un personnel médicalement qualifié.

En l’absence de preuves scientifiques, certains collèges de gynécologues-obstétriciens de plusieurs pays continuent de condamner avec fermeté toute pratique de l’accouchement hors du cadre hospitalier.

Comment l’AAD?

Le suivi des grossesses des femmes souhaitant accoucher à domicile est tout aussi encadré que n’importe quelle autre grossesse. Les examens demandés sont les mêmes pour toutes femmes enceintes ; qu’elles accouchent en structure ou chez elles.
Souvent, les sages-femmes conseillent également la constitution d’un dossier dans une maternité afin de permettre d’envisager d’y aller sereinement si nécessaire (Pour la majorité des structures hospitalières cela consiste à y effectuer les consultations du 8e et 9e mois, ainsi que la consultation pré-anesthésie).

Explorons maintenant les différents ingrédients du contexte d’un AAD

  • La confiance
    Le conditionnement par le discours social ambiant qui a pour résultat de faire croire aux femmes qu’elles ne sont pas capables d’accoucher normalement, doit être remplacé par l’idée que le corps de la femme recèle ce savoir ancestral, et qu’une femme sait accoucher, et que son bébé sait naître. Cela est nécessaire, et souvent suffisant, pour qu’elle retrouve la confiance et qu’elle retrouve le chemin de la réappropriation de son propre accouchement.La femme a besoin de se sentir aimée et soutenue par ceux qui l’entourent afin de pouvoir se permettre de se sentir assez à l’aise pour suivre son instinct. Si on lui fait confiance, elle saura se faire confiance, à son corps, au processus d’accouchement, ainsi qu’au bébé, en respectant son intuition
  • La préparation
    D’après Michel Odent, une femme ne peut « apprendre à accoucher ». L’accouchement est en effet un processus involontaire qui met en jeu des structures anciennes et primitives du cerveau. Les informations qui préparent le mieux une future mère à une naissance douce sont celles qui lui rendent sa foi en sa capacité d’accoucher naturellement. Ainsi, le travail de préparation peut-être, plus qu’une préparation sur des aspects techniques, un travail notamment sur les peurs, conscientes ou non, qui peuvent se mettre en travers du processus et venir jusqu’à le bloquer ou l’empêcher. L’accouchement est un processus certes naturel, et l’on sait combien le mental et l’émotionnel, à travers des croyances, des interdits parentaux etc, peuvent venir entraver le bon déroulement de ce dernier. Par exemple, si la femme rentre dans la peur et qu’elle se met à écouter sa peur, le processus dans son aspect linéaire est comme parasité et des complexités peuvent apparaître. En revanche, si la femme est sûre d’elle, elle ne se laissera pas facilement détourner de ce qu’elle sait être juste et bon pour elle. D’où toute l’importance d’être également en harmonie avec son partenaire et sa famille lorsqu’est fait le choix d’accoucher à domicile.
  • Un environnement rassurant et calme
    Lorsque la femme est dans un environnement confortable et sans distractions, comme les allées et venues de personnes étrangères dans la pièce par exemple, elle peut passer plus facilement dans l’état de conscience dominé par l’instinct, cet état dans lequel le travail se fait naturellement et dans lequel les sensations douloureuses sont atténuées, voire non perçues comme telles (voire, dans certains cas, jouissives!) Car le cerveau dans cet état, sécrète des endorphines, qui sont des analgésiques et tranquillisants naturels de l’organisme. Elles ont un effet sédatif sur la perception de la douleur et créent un sentiment de bien-être.Si la femme est traitée de manière impersonnelle dans l’environnement froid d’un hôpital, qu’on lui injecte des hormones synthétiques, des médicaments, son corps répond par l’inhibition et la peur. Il se replie sur lui-même en bloquant la production d’endorphines et en produisant au contraire de l’adrénaline, qui fait ralentir ou bloquer le travail.On sait aujourd’hui que pour rendre un accouchement plus facile, moins dangereux et moins douloureux, il faut un environnement familier, et une parfaite intimité, dans laquelle la femme ne se sentira pas observée ni contrôlée. On peut tirer les rideaux et tamiser la lumière. Car, à un certain stade de l’accouchement, la femme change d’état de conscience et donne l’impression de se couper du monde. Ce changement est nécessaire à l’équilibre hormonal et ne doit pas être perturbé par une trop grande lumière. De même, la lumière tamisée et faible est idéale pour les yeux de l’enfant. Le nouveau né peut ouvrir presque immédiatement les yeux, et regarder sa mère. Cet instant est inoubliable.De même, le silence est un élément important. Dans une telle atmosphère, la femme reste centrée sur elle-même et ne se laisse pas distraire. Elle passe d’une concentration profonde pendant les contractions, à un état plus léger entre elles. L’intimité et le silence accroissent sa résistance et concentrent son énergie et ses forces pour mener à bien le travail.  Lorsque l’enfant est là, il n’est pas effrayé par l’intensité des sons et des voix.
  • La liberté de mouvement
    Si la femme est physiquement active pendant le travail, son bébé se repositionne constamment dans l’utérus, se réajuste, descend, ce qui le prépare à la naissance. Si, en revanche, la femme est contrainte de rester au lit, on augmente la nécessité d’intervenir.Les deux positions les plus souvent choisies dans le monde, sont l’agenouillement et l’accroupissement. Ces femmes sont souvent celles qui restent actives durant le travail. On leur permet de garder le contrôle sur le corps, de garder le pouvoir d’accoucher, sans les réduire à un état de patiente.Si les femmes ne sont pas gênées par les interventions médicales, les femmes savent instinctivement comment accoucher, et elles le font, chacune à leur manière. Si elles sont libres physiquement, pas obligées de prendre certaines positions, si elles sont libres émotionnellement, de crier, de pleurer, de chanter, si elles sont soutenues par un réconfort calme, la tendresse et la compréhension, le travail progresse en général spontanément et facilement.

L’arrivée du bébé

  • Le cordon
    Si on laisse le nouveau né relié à son cordon pendant qu’il bat, la transition avec la respiration pulmonaire est progressive, et donc plus douce. Le bébé commence à respirer par les poumons tout en continuant à recevoir l’oxygène du placenta. Il faut normalement 15 à 20 minutes pour que la circulation sanguine dans le cordon diminue, et s’arrête. Durant tout cet intervalle, le bébé est posé sur le ventre de sa mère.
  • Les premiers contacts
    S’il est mis dans les bras de sa mère, le bébé bénéficie immédiatement d’un contact de peau à peau. La mère le caresse; ce simple geste a le pouvoir de calmer le bébé. C’est ce contact peau à peau qui permet de créer un lien indestructible.
  • Le bébé au sein
    Il ne faut pas se précipiter pour mettre le bébé au sein. Dès les premiers instants, celui-ci tourne la tête, sa bouche se contracte et s’arrondit, sa langue entre et sort. La mère et l’enfant coordonnent instinctivement leur action, le bébé trouve seul le sein et se met à téter.
  • Le couple mère/bébé
    La préoccupation majeure d’une naissance douce devrait être de ne pas perturber le couple mère/bébé, et de favoriser leur rapprochement. Dans les hôpitaux, on a une attitude généralement agressive avec l’enfant: on est pressé de couper le cordon, on aspire le bébé, même, s’il crie énergiquement, alors qu’il n’y a aucun inconvénient à le laisser crachoter des glaires pendant un ou deux jours. On évalue le « score Apgar », on lui met des gouttes dans les yeux, on le pèse, on cherches des malformations… on le sépare de sa mère afin qu’elle se repose. Toutes ces pratiques réduisent, de manière subtiles, le contact mère/bébé.